Regards croisés sur les défis de la transition écologique

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La conférence de clôture de cette 6e édition des Rendez-vous Collectivités viables, de Vivre en Ville, mettait en vedette Valérie Plante, mairesse de Montréal, et Bruno Marchand, maire de Québec, dans un échange qu’animait avec finesse et humour la journaliste et auteure Rose-Aimée Automne T. Morin.

 

Densification

À la question de savoir en quoi on peut reconnaître une densification réussie, Valérie Plante répond qu’il faut l’envisager comme un tout. Bien sûr, il existe plusieurs manières d’y parvenir, mais que l’une des clés de la réussite repose sur l’offre de transport collectif, notamment dans le but de réduire l’empreinte écologique de nos déplacements.

Pour Bruno Marchand, le défi, c’est de convaincre les gens que le statu quo n’est pas une option. C’est de prendre le temps de renverser les forces de l’inertie, tant dans la population que dans l’appareil bureaucratique. Et d’expliquer les faits, la réalité. Il faut faire preuve de pédagogie tout en allant de l’avant. Bref, faire bouger les choses sans donner l’impression de trop bousculer les habitudes.

 

Logement

Tant Valérie Plante que Bruno Marchand se disent conscients que les problèmes d’accès à des logements abordables, aussi aigus soient-ils présentement, ne datent pas d’hier. Mais que les villes ont peu de latitude dans leurs actions en raison des limites de leur pouvoir de dépenser. À cet égard, Valérie Plante rappelle que, malgré le fameux règlement 20-20-20, qui vise l’amélioration de l’offre en matière de logement social, abordable et familial, les paliers provincial et fédéral ont un rôle à jouer afin de soutenir financièrement Montréal dans ses efforts, tout comme les autres villes.

Pour sa part, Bruno Marchand, saluant l’initiative montréalaise, souligne que les promoteurs ne forment pas un bloc monolithique réfractaire à tout changement. En revanche, beaucoup d’entre eux souhaitent une plus grande prévisibilité de la part des élus. Bref, il est possible de faire preuve d’ambition, mais pourvu que le cadre soit clair pour tout le monde.

 

Transport

Comment endiguer la grande séduction de la voiture, demande Rose-Aimée Automne T. Morin, alors que, selon les prévisions, d’ici 2030 on comptera 700 voitures par tranche de 1000 habitants? Pour Valérie Plante, les changements doivent se faire à l’échelle métropolitaine. Elle salue d’ailleurs le travail de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) qui a su se doter de cibles en matière de densification, de transport collectif et de préservation des espaces naturels. Ce qui permet d’avoir une vision à long terme.

Toutefois, dans l’immédiat, les problèmes de congestion à Montréal demeurent vraiment préoccupants. Valérie Plante souhaite que les navetteurs reprennent leurs habitudes d’avant la pandémie et qu’ils recommencent à utiliser les transports collectifs. Car on ne peut pas poursuivre dans cette voie, plaide-t-elle. Il faut soutenir le transport collectif. C’est la solution!

À Québec, affirme Bruno Marchand, la solution passe par la mobilité intégrée. Comme on le dit en Finlande et ailleurs dans le monde : « mobility as a service ». Et on ne doit pas opposer les usagers du transport collectif aux automobilistes, prévient-il. Mais plutôt tenter de répondre aux besoins de tous les citoyens, que ce soit avec la mobylette, la trottinette, le vélo électrique, la voiture libre-service, le tramway, l’autobus, etc. Et donc, grâce à un bouquet d’offres faciles d’accès. Cela dit, le statu quo n’étant pas une option, il admet que la Ville doit devenir meilleure et offrir un service amélioré, sobre en carbone, qui soit capable d’être une véritable option à l’auto solo.

 

Changement

Pour que les choses changent, prône Bruno Marchand, il faut d’abord être à l’écoute des gens et bien leur expliquer la nature des projets et les impacts réels qu’ils auront sur leurs habitudes de vie. Mais, par ailleurs, on doit être conscient que les forces d’inertie sont puissantes. Alors, il faut aussi être capable d’oser, même si le résultat n’est pas parfait. Selon lui, il faut préférer l’imperfection au néant. Soutenir les forces du changement, c’est plus important que de chercher la perfection.

Au sujet d’un projet complexe comme le REM de l’est, Valérie Plante pense que cela demande une gouvernance avec de l’ouverture, de la transparence et de la consultation. Il faut aller à la rencontre des citoyens. C’était le problème, avec la première mouture du REM de l’est. On avait un projet de train, mais déconnecté de la réalité sur le terrain. Alors que maintenant, tout le monde est assis autour de la table. C’est la condition nécessaire pour élaborer la meilleure planification possible.

Prenant la balle au bond, Bruno Marchand ajoute qu’une ville ne se construit pas par blocs. Ça se construit avec une vision, avec une trame. Ça se construit de façade à façade. Quand on pense des projets à vocation unique, isolés de leur environnement, on se trompe à chaque fois, martèle-t-il. Penser une ville, c’est voir l’ensemble de ses composantes : l’habitation, la mobilité, le développement économique, le développement durable, les gens qui y vivent et y travaillent… C’est un peu plus compliqué, mais c’est comme ça que les villes d’avenir réussissent.

 

Legs

Quand on demande à Bruno Marchand quelle serait la réalisation qu’il aimerait que l’on associe à son passage à la mairie, sa réponse est directe : aucune! Parce que, selon lui, ce n’est pas une question d’ego. Ce que l’on souhaite, dit-il, c’est une ville qui continue de se construire. Ce qui compte, ce n’est pas le passage d’un individu, mais ce sont les gens qui se mobilisent et qui continuent de créer du changement.

Valérie Plante diffère d’opinion, considérant qu’un legs, ce n’est pas une question d’ego. C’est plutôt le courage d’assumer ce que l’on souhaite mettre en place. Elle se dit particulièrement fière du règlement 20-20-20, parce que ça n’a pas été facile de réunir toutes les parties prenantes autour de la table. Mais ça s’est fait. Un legs, ajoute-t-elle, c’est quelque chose qui dure et qui fait des petits. Déjà certaines municipalités de la CMM songent à se doter de leur propre 20-20-20…

Autre legs dont elle se dit fière : le Grand parc de l’Ouest. Sur ces derniers terrains verts de l’ouest de Montréal, on proposait de construire des habitations. Mais ce n’était pas de la densité intelligente, explique Valérie Plante. On a plutôt densifié près des pôles de transport pour sauver ces espaces verts. Et ce legs, qui n’est pas une question d’ego, elle considère que c’est plutôt un cadeau aux générations futures.

Et la conférence de s’achever, alors que les conférenciers sont chaudement applaudis par les participants.