Grâce à une collaboration remarquable entre la Direction de la santé publique (DSPu) du Saguenay–Lac-Saint-Jean et le bureau régional du Ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, 42 municipalités ont adopté une charte régionale des saines habitudes de vie. Histoire d’un succès.
« En 2014, une grande consultation auprès de nos partenaires locaux et régionaux a mis de l’avant le besoin de mieux mobiliser les élus municipaux en matière de saines habitudes de vie », raconte Véronique Tremblay, agente de planification, programmation et recherche à la DSPu du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Saguenay–Lac-Saint-Jean.
Sur un immense territoire qui compte 49 municipalités regroupées en 5 MRC, ainsi qu’une communauté ilnu* (Mashteuiatsh), mobiliser les acteurs politiques n’est pas une mince affaire ! Véronique Tremblay y a réfléchi avec Benoit Poulin, du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) et Isabelle Quimper, l’agente régionale de Québec en Forme et l’idée d’une charte des saines habitudes de vie a fait son chemin.
Les bons mots et la petite séduction
Le premier défi à relever était celui de l’énoncé de la charte pour que les municipalités s’y reconnaissent. « Nous l’avons rédigée dans des termes qui parlent aux élus, explique Véronique Tremblay. Nous avons donc pris soin d’utiliser un langage commun et de mettre l’accent sur la capacité des municipalités à favoriser les saines habitudes de vie, grâce à leurs compétences en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire, en loisirs, parcs, transports et environnement. »
La DSPu a joué ses cartes avec finesse du côté du vocabulaire, mais aussi du contenu de la charte. Le texte rappelle notamment, et à raison, que les saines habitudes de vie contribuent à la santé et à la qualité de vie des citoyens, ainsi qu’à l’attractivité et à la prospérité des municipalités la région. Il faut savoir séduire !
Le bon allié et les bons contacts
Une fois les bons mots couchés sur le papier, le défi suivant était de trouver les personnes les mieux placées pour transmettre l’information. « À ce moment, nous avions peu de contacts avec les acteurs municipaux et c’est notre collègue du MAMH qui nous a ouvert les portes de son réseau, souligne Véronique Tremblay. Sa connaissance du milieu municipal nous a notamment permis de présenter la charte à la table des préfets, puis au conseil de chaque MRC. »
La bonne stratégie et la bonne attitude
Signer une charte c’est bien, mais encore faut-il qu’elle fasse bouger les choses. Pour que l’enjeu des saines habitudes de vie reste bien présent dans l’esprit des décideurs, les signataires s’engageaient à nommer un élu responsable de ce dossier. « Cet ambassadeur fait partie d’un comité régional et facilite les liens entre les intervenants locaux et régionaux en saines habitudes de vie et les élus et décideurs des municipalités », précise Véronique Tremblay.
Sur le coup, les MRC ont réagi de façon différente à cette invitation. « Certaines ont dit oui tout de suite et savaient même déjà qui accepterait d’être un ambassadeur des saines habitudes de vie sur leur territoire, relate Véronique Tremblay. D’autres nous ont dit être d’accord avec les principes de la charte, mais qu’elles avaient besoin de temps, notamment pour trouver le bon ambassadeur. Et, bien sûr, comme notre objectif était d’amorcer un dialogue fructueux pour que les MRC invitent ensuite les municipalités à signer la charte, nous les avons accompagnées en tenant compte de leurs réalités spécifiques. »
Cet accompagnement personnalisé a été efficace puisqu’en novembre 2017 les cinq MRC, ainsi qu’une vingtaine de municipalités et la communauté de Mashteuiatsh avaient signé la charte.
Le bon moment et des idées concrètes
Pour qu’une initiative trouve son chemin, il faut également qu’elle soit dans l’air du temps. « Depuis des années, les agents de Québec en Forme travaillaient auprès des regroupements locaux de partenaires, souligne Véronique Tremblay. Ce travail de terrain avait suscité un intérêt pour les saines habitudes de vie et les sessions de sensibilisation auprès des municipalités avaient permis à plusieurs élus de mieux comprendre le rôle qu’ils pouvaient jouer dans la création d’environnements favorables aux saines habitudes de vie. »
Malgré tout, les acteurs municipaux disaient avoir besoin d’idées concrètes pour passer à l’action. « Signer la charte des saines habitudes de vie et nommer un ambassadeur était donc une proposition qui arrivait au bon moment, souligne Véronique Tremblay. Et nous avons travaillé fort pour démontrer aux élus qu’en revitalisant un parc pour qu’il soit intergénérationnel et en créant un corridor scolaire ou un jardin communautaire, ils honorent cette charte. Ils ont maintenant des images concrètes de ce qu’est un environnement favorable et ça maintient leur intérêt pour les saines habitudes de vie. »
Le travail de la DSPu et des ambassadeurs a porté fruit, car, depuis novembre 2016, 42 municipalités sur 49 et la communauté de Mashteuiatsh l’ont adoptée sous forme de résolution !
La bonne idée pour la suite des choses
La DSPu du Saguenay–Lac-Saint-Jean a toutefois choisi d’aller encore plus loin dans la collaboration avec les municipalités. « Nous avons proposé que le MAMH copréside avec nous En Mouvement Saguenay-Lac-Saint-Jean, la Table intersectorielle régionale sur les saines habitudes de vie (TIR-SHV), indique Véronique Tremblay. Ce projet pilote, qui a été très bien reçu par tous les partenaires, vise à faciliter et renforcer les actions sur le terrain. De plus, des rencontres entre les équipes du MAMH, de la DSPu et de la TIR-SHV nous permettront de mettre en place des actions à un niveau plus opérationnel. »
Le courant passe de mieux en mieux
La mobilisation entrainée par la charte est un succès remarquable, car des demandes d’appui viennent actuellement du milieu municipal. Par exemple, la MRC Domaine-du-Roy a décidé de mettre en place 15 corridors scolaires sur l’ensemble des écoles sur son territoire et la ville de Dolbeau-Mistassini a lancé, en février 2019, un projet pilote de jeu libre dans la rue. La municipalité de Saint-François-de-Sales a également interpellé la DSPu au sujet de son projet de forêt nourricière. « C’est vraiment stimulant que ces municipalités nous aient demandé de les accompagner, se réjouit Véronique Tremblay. Ça montre que la collaboration devient plus naturelle, plus évidente. »
Ce sont d’ailleurs les MRC qui ont exprimé le besoin que la charte soit élargie afin de tenir compte de nouvelles réalités liées à la qualité de vie, comme la lutte aux changements climatiques. « Les élections municipales de 2018 ont également fait surgir la nécessité de remobiliser les conseils de MRC et les élus, souligne Véronique Tremblay. Nous allons beaucoup travailler dans ce sens avec les élus ambassadeurs au cours de deux prochaines années. » Pas de doute, le courant passe entre la DSPu du CIUSSS du Saguenay–Lac-Saint-Jean et le milieu municipal !
* La Première Nation Mashteuiatsh du Lac-Saint-Jean privilégie le terme invariable ilnu plutôt qu’innu, ce dernier étant principalement utilisé sur la Côte-Nord.