David Miller, maire de Toronto de 2003 à 2010, est actuellement directeur général de C40 Cities, un réseau mondial de maires et mairesses engagés dans la lutte contre les changements climatiques. Lors de sa conférence, prononcée dans le cadre des 6e Rendez-vous Collectivités viables, de Vivre en Ville, il a expliqué pourquoi les villes ne doivent pas attendre auprès des autres paliers de gouvernements pour passer à l’action. Et comment elles peuvent demeurer à l’avant-garde de la transition écologique.
Le plus récent rapport du GIEC est sans équivoque, précise-t-il : il y a urgence d’agir. Car, oui, il est possible de freiner les changements climatiques. Mais pour y parvenir, il faut commencer dès maintenant à poser des gestes concrets. Or, le problème, c’est que les pays n’ont pas encore mis en place les mesures nécessaires pour respecter l’Accord de Paris, à l’exception de la Gambie. Un seul pays dans le monde!
Des villes à l’avant-garde
Devant l’inaction des gouvernements nationaux, David Miller préconise que c’est aux villes de prendre l’initiative. Et bien que ce soit difficile, c’est possible, dans la mesure où, depuis 2008, plus de la moitié de la population mondiale vit dans les villes! Là où, évidemment, sont générées les plus grandes quantités de gaz à effet de serre et où se concentre l’économie. Donc, c’est dans les villes que l’on peut dès maintenant mettre en place des solutions efficaces.
C’est pourquoi il presse les villes de se doter d’un plan d’action pour l’atteinte de l’objectif 1,5 Cº de l’Accord de Paris.
« Be bold! Ayez du courage. N’attendez pas. Commencez maintenant à faire ce qui est en votre pouvoir. Le rapport du GIEC est clair. Nous avons besoin d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici 2030, et viser la carboneutralité d’ici 2050. »
C’est ce à quoi se sont engagées les 97 villes du C40 Cities, qui figurent parmi les plus grandes agglomérations urbaines dans le monde, comme Paris, Beijing, Tokyo, Toronto et Montréal. Et déjà ces villes interviennent dans les domaines clés du transport, des bâtiments, de la production de l’électricité et de la gestion des matières résiduelles, dans ce dernier cas, par l’instauration des bases d’une économie circulaire.
Des initiatives audacieuses
Parmi les villes qu’il cite en exemple, on peut retenir Toronto qui s’est dotée d’un règlement selon lequel les nouveaux édifices doivent être conçus en respect de la certification verte. Pourtant, souligne David Miller, en Ontario, le code du bâtiment est de responsabilité provinciale. Mais Toronto est parvenue à ses fins en utilisant d’autres pouvoirs. En faisant preuve d’imagination.
Il a aussi tenu à saluer l’initiative de l’administration Plante qui, grâce à un partenariat avec Hydro-Québec, oblige les nouveaux édifices à se chauffer à l’électricité, au lieu du gaz naturel. Pourtant, encore là, Montréal n’a pas juridiction en matière d’énergie. Mais elle peut parvenir au résultat escompté en utilisant certains de ses pouvoirs en matière de planification. Il suffit d’oser. Et d’avoir un plan d’action.
Plans d’action climatique
David Miller, insiste. Pour réussir, les villes doivent se doter d’un plan d’action qui reflète une vision d’ensemble. À ce chapitre, il donne en exemple d’Oslo. Pour chaque projet d’infrastructure, la ville accorde non seulement un budget d’opération, mais aussi un « budget climat ». Autrement dit, on doit non seulement ne pas dépasser les coûts prévus, mais aussi respecter une « enveloppe carbone ». Une approche qui, selon lui, devrait et peut être adoptée par toute les villes.
Mais d’abord, il faut avoir un plan. Et qui dit plan, dit inventaire des sources d’émission de gaz à effet de serre. Une fois qu’elles sont connues, alors il est possible de les contrôler. La ville de Victoria, en Colombie-Britannique, a fait l’équivalent d’Oslo, quoique de façon plus modeste. Elle a tout simplement fixé un seuil carbone à son département de la voirie, en disant à ses gestionnaires : voici votre budget d’émission de gaz à effets de serre pour cette année. Et vous ne pouvez pas le dépasser.
Densification et équité
En matière de planification, David Miller plaide évidemment pour l’aménagement de quartiers dans lesquels on peut répondre à tous les besoins de l’ensemble des résidents, qu’il s’agisse de transport, de travail, de services, de loisir et de verdissement. Ce que l’on appelle la ville du quart d’heure. Il est essentiel, explique-t-il, de stopper l’étalement urbain. Il faut s’agrandir de l’intérieur, donc en se densifiant.
Finalement, ajoute-t-il, les meilleurs plans d’action climatique placent toujours l’équité au cœur de leurs priorités. Et pas seulement l’équité en matière d’objectifs poursuivis et de résultats obtenus, mais dans le processus même de planification. En incluant toutes les personnes concernées, à savoir les résidents, les communautés, les organismes, les commerçants, etc., de manière à que toutes et tous se reconnaissent dans la mise en application des mesures adoptées. Mais surtout parce que ce genre de plan d’action va au-delà de la lutte contre le changement climatique : c’est aussi un outil de transformation sociale afin de mieux vivre en ville !